Actualités & Articles

Upcoming Events

Recevabilité de la production d’un moyen de preuve illicite du vol d’un salarié

Recevabilité de la production d’un moyen de preuve illicite du vol d’un salarié

La Cour de Cassation admet la recevabilité d'une vidéosurveillance installée dans des conditions illicites en mettant en balance le droit à un procès équitable (article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme) et le droit à la preuve (article 9 du code de procédure civile).

L’installation d’un système de vidéo surveillance est soumise à l’information et la consultation du CSE et à l’information des salariés (Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance).

Pour autant, la Cour de cassation rappelle, dans un arrêt publié au bulletin, que dans un procès civil, l'illicéité dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats.

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence.

Le droit à la preuve peut justifier la  production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. La Cour de cassation avait déjà décidé en ce sens par un arrêt du 8 mars 2023 (n°21-17802).

En l’espèce, elle constate que :

  • il existait des raisons concrètes liées à la disparition de stocks, justifiant le recours à la surveillance de la salariée et que cette surveillance ; ce contrôle était donc légitime ;
  • cette surveillance ne pouvait être réalisée par d'autres moyens,
  • elle avait été limitée dans le temps et réalisée par la seule dirigeante de l'entreprise,

Pour en déduire que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.

Cass. soc. 14 février 2024 n°22-23073.

https://collomp-avocat.com/secteurs-dactivite/droit-du-travail

Appellations protégées et développement durable

Appellations protégées et développement durable

Dans notre analyse des interactions entre droit de la propriété intellectuelle et développement durable, nous avions montré que les appellations protégées — autrement appelées Signes d’Identification de la Qualité et de l’Origine (S.I.Q.O.) —  sont des droits de propriété intellectuelle qui favorisent la durabilité en ce qu’ils protègent des savoir-faire en lien avec un terroir géographique doté de spécificités. (CF cliquer ici pour davantage de renseignements).
Les initiatives récentes de certaines appellations d’origine permettent de constater qu’elles peuvent mêmes se révéler un moteur important de transformation vers des pratiques durables.
Ainsi, tandis que l’Appellation d’Origine Contrôlée « Ventoux » (AOC Ventoux) a adopté la raison d’être « Partager, Protéger, Cultiver le Vivant » avec l’ambition exprimée de « devenir un exemple de développement harmonieux et durable en protégeant le vivant et sa culture », la dénomination AOC « Côtes de Provence » s’est doté de règles interdisant le désherbage chimique total des parcelles et des tournières dans son Cahier des Charges.
L’impact positif de ces changements de pratiques est conséquent puisqu’ils concernent automatiquement tous les acteurs de la filière bénéficiant de l’Appellation, généralisant des pratiques agroécologiques.
Certains organismes de gestion des appellations protégées (ODG), conscients des enjeux bioclimatiques et des attentes sociales soulèvent ainsi des leviers qui ont intéressé l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). Ce dernier institut, chargé de la coordination de la politique française en matière de S.I.Q.O. a organisé des rencontres régionales partout en France en 2023 avec les organismes de défense et de gestion des appellations afin de développer des synergies entre filières et s’inspirer mutuellement de démarches entreprises pour répondre aux nouvelles attentes sociétales des consommateurs.

Propos de Emilie Collomp, recueillis par la Rédaction du Village de la Justice

Propos de Emilie Collomp, recueillis par la Rédaction du Village de la Justice

"Il y a un fort besoin d’innovations pour parvenir à réduire nos consommations et à l’efficacité énergétique, d’innovations dont la finalité est de répondre aux défis écologiques et le droit est un outil de valorisation de ces innovations."
Voici résumé en quelques mots le lien que fait Emilie Collomp, avocate, entre Innovation, développement durable et Droit.
Elle développe cette pensée dans un essai au sujet duquel le Village de la Justice s’est entretenu avec elle.

Voir l'interview

 

 

Marque patronymique, créateur célèbre, usage trompeur par le cessionnaire, risque de déchéance

Marque patronymique, créateur célèbre, usage trompeur par le cessionnaire, risque de déchéance

La cession de MARQUE PATRONYMIQUE correspondant au nom du créateur est source d’un contentieux récurrent :
Lorsque des personnalités, créateurs/trices de design, mode ou accessoires ont déposé leur nom patronymique à titre de marque, il arrive qu’elles vendent leur société et l’exploitation de leur nom avec…
Généralement, le contentieux émerge lorsque la relation contractuelle entre l’entreprise cessionnaire et le créateur, temporairement directeur artistique, vient à prendre fin, de sorte que le.la créateur/créatrice- ne collabore plus avec cette entreprise.
L’entreprise cessionnaire, titulaire de la marque patronymique cédée, peut-elle l’exploiter sans restriction ?
Non, selon la Cour d’Appel de Paris dans une décision du 12 oct. 2022 : elle encourt la déchéance si l’exploitation est faite de manière trompeuse.
Jean-Charles de CASTELBAJAC reproche au cessionnaire de la marque éponyme d’apposer la marque sur des produits imitant son univers et ses dessins et dénonce un comportement fautif consistant à laisser le public croire qu’il serait l'auteur de ces créations qui ne sont en réalité pas de lui, et sur lesquelles la marque est apposée.
Pour sa part, la société cessionnaire reproche à M. de CASTELBAJAC d’utiliser le même signe -son nom- pour désigner des activités identiques ou similaires aux produits couverts par les marques dont elle est désormais titulaire. À noter que les contrats stipulaient expressément que le créateur conservait le droit d’apposer son nom sur toutes créations.
Le Cessionnaire assigne M. de CASTELBAJAC en contrefaçon. Reconventionnellement, le créateur demande la déchéance des marques composées de son nom pour déceptivité ou usage trompeur.
Selon la Cour d’Appel, la garantie d’éviction due par le cédant ne rend pas irrecevable la demande de déchéance.
Rappelant que la marque devant demeurer un instrument loyal d'information du consommateur sur les produits et services visés à son enregistrement, la Cour juge que l’usage trompeur des marques justifie la déchéance partielle, pour les produits en rapport avec les faits litigieux établis.
Cette décision se place dans le droit fil de la jurisprudence Ines de la FRESSANGE : la Cour d’appel de Paris avait prononcé la déchéance de la marque constituée du nom patronymique de la créatrice au motif de l’usage qu’en faisait le cessionnaire, propre à induire en erreur le consommateur sur la provenance ou la qualité des produits visés. Le maintien abusif du lien entre l’image de la personne physique et les produits, tendant à lui en attribuer la paternité était, selon la Cour, trompeur. Pourtant, la Cour de Cassation avait, au visa du droit général de la vente, cassé l’arrêt d’appel considérant que la garantie d’éviction rendait irrecevable la demande en déchéance : « Mme Y n’était pas recevable à une action tendant à l’éviction de l’acquéreur » (Cass. Com. 31 janvier 2006).
Dans l’affaire de CASTELBAJAC, la position de la Cour de cassation sera donc attendue avec intérêt.

Actualité de la RSE : reporting de durabilité selon la DIR CSRD

Actualité de la RSE : reporting de durabilité selon la DIR CSRD

Dans le cadre de l’ouvrage paru en 2022,  "Innovation et Développement durable (la Place du droit en faveur de l’innovation durable)", nous vous présentions les mesures contraignantes et incitatives (volontaires) participant du cadre normatif en faveur de la durabilité.

Parmi ces dispositifs législatifs ou réglementaires, figure la RSE -Responsabilité sociétale des Entreprises- un corpus de normes obligeant les entreprises à déclarer les mesures qu’elles prennent en faveur de l’environnement ou des intérêts sociaux. A ce titre, nous vous avions présenté les contours de l’obligation de déclaration de performance extra-financière (DPEF) issue d’une ordonnance de 2017 qui ne s’appliquait qu’aux grandes entreprises.

Quelles évolutions en 2023 ?

C’est l’Union européenne qui est moteur des plus remarquables avancées en faveur de la transition vers une économie durable depuis l’adoption de son « Pacte Vert » pour le climat en 2020. Divers textes adoptés ou en cours de discussion renforcent les obligations de la RSE.

Parmi ceux-ci, la Directive dite CSRD « Corporate Sustainabilité Reporting Directive » N° 2022/2464 du 21 juin 2022 qui entrera en vigueur en janvier 2024. Elle élargit le champ des entreprises soumises au reporting de « durabilité » - (anciennement reporting « extra-financier »)- puisque sont concernées toutes les entreprises ayant plus de 250 salariés[1].

L’objectif est d’améliorer la précision et fiabilité des informations déclarées en créant des critères de performance extra-financière harmonisés et standardisés[2] selon un principe à double sens : afin de mesurer l’impact de l’entreprise sur la société et inversement l’impact des critères ESG sur l’entreprise elle-même.

Ces normes, définies dans le cadre d’actes délégués qui seront progressivement adoptés en 2023 et 2024, seront soit des normes « universelles », applicables à l’ensemble des sociétés quel que soit leur secteur d’activité, soit « sectorielles » soit encore « spécifiques » pour les PME cotées.

Sachant qu’en droit français toutes les sociétés doivent désormais être gérées en « prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de [leur] activité [3]», obligation dépourvue de sanction légale, la question est posée de savoir quels risques juridiques pourraient découler de déclarations inexactes ou de pratiques non-conformes à ces enjeux et révélées par ce reporting ESG, en termes de responsabilité pour l’entreprise.

D’un concept avant tout éthique, la RSE pourrait, avec ces nouvelles obligations, devenir une source du droit de la responsabilité des entreprises.

A ce titre, signalons la proposition de Directive CSDD qui, à ce stade, instaure l’obligation d’établir un plan visant à établir que la stratégie de l’entreprise est compatible avec la transition vers une économie durable et la limitation à +1,5° de réchauffement climatique.

Nul doute que ces dispositions feront couler beaucoup d’encre…

 

[1] Si elles dépassent 40 M€ de chiffre d’affaires ou 20 M€ de total de bilan

[2] normes « ESRS » (European Sustainability Reporting Standards)

[3][3] Article 1833 du code civil

Actualité des indications géographiques juin 2022

Actualité des indications géographiques juin 2022

La propriété intellectuelle (PI) est un levier de performance et de compétitivité ; on a mesuré que les secteurs qui ont recours à la PI jouent un rôle essentiel dans l’économie en offrant des emplois durables et de qualité.
Parmi les secteurs de la PI qui font l’actualité, les indications géographiques (IG), autrement appelées « signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) » présentent des évolutions qui méritent d’être soulignées :
Le grand public connait habituellement les indications géographiques relatives aux produits agricoles dit « droit de propriété intellectuelle (DPI) ruraux » que sont les appellations d’origine contrôlée (AOC) et les appellations d’origine protégée (AOP) protégeant des appellations de produits viticoles ou agricoles, alimentaires ou non.
A côté, les indications géographiques portant sur les produits industriels et commerciaux (IGPIA) sont l’objet de cette chronique.
Comme les « DPI ruraux », ces indications de provenance mettent en valeur des savoir-faire en lien avec un territoire, mais cette fois pour des produits industriels et artisanaux et non pas dans le secteur agroalimentaire. Les IGPIA permettent donc de valoriser le patrimoine local en désignant le nom de la région concernée par le(s) savoir-faire.
Pourtant, si les protections géographiques des produits artisanaux ou industriels étaient reconnues sur le plan international et national en France (depuis la loi de 1919 d’abord, puis la Loi Hamon du 17 mars 2014), elles ne le sont pas à l’échelon européen. Or la protection nationale est insuffisante contre les usurpations d’identités géographiques dont la réputation incite à s’en emparer.
Aussi, la commission européenne, dans sa volonté de renforcer la protection des savoir-faire traditionnels et la production locale de qualité, a proposé un règlement européen sur les IGPIA le 13 avril 2022. Permettant de préserver les compétences et les emplois locaux, ce nouveau DPIAI favorisera un développement économique local et durable, les producteurs pourront investir ces « marchés de niche » comme le souligne le communiqué de presse.
Parallèlement, l’actualité des IGP réside également dans la jurisprudence :
La demande d’homologation de l’IGPIA « Savon de Marseille » a fait l’objet d’un rejet en raison de la zone géographique d’origine (territoire français) trop étendue visée dans le cahier des charges ne permettant pas de faire le lien entre le produit concerné et une zone géographique associée.
Le Tribunal Judiciaire de Paris a reconnu une atteinte à l’indication géographique « Pierre de Bourgogne » par l’usage de cette dénomination par un acteur économique sur son site internet de façon trompeuse puisqu’il ne justifie pas s’être approvisionné auprès des membres de l’association de producteurs.
Actualités www.collomp-avocat.com, juin 2022

Faut-il déposer ses marques dans les classes afférentes aux produits virtuels pour les protéger contre des usages sur le Métavers ?

Faut-il déposer ses marques dans les classes afférentes aux produits virtuels pour les protéger contre des usages sur le Métavers ?

De l’avis d’une auteure australienne (Sarah Dixon), il semblerait que oui !
Et certaines marques américaines ont complété leurs enregistrements en visant ces produits et services dans les dépôts de marques qu’ils souhaitent protéger, une mesure de prévention pour éviter de se faire doubler par des acteurs économiques précurseurs sur le Métavers.

Mais est-ce nécessaire et comment statueront les autorités juridictionnelles en cas de conflit ?

Au-delà de la question de savoir s’il est opportun pour les entreprises de s’assurer une présence dans le monde virtuel, la question juridique sous-jacente est celle des conditions de l’usage sur le Métavers de marques déposées et enregistrées pour des produits et services du monde réel.
Le fait que les produits et services du Métavers appartiennent, pour ce qui les concerne, au monde virtuel en fait-il des produits et services distincts ou au contraire des produits et services similaires à ceux du monde réel ?

De cette question découle la réponse au point de savoir si l’usage dans le monde virtuel d’une marque déposée visant des produits réels sera considéré comme une atteinte aux droits du titulaire de la marque.
L’INPI et les tribunaux auront un jour à se prononcer sur cette question.

En attendant, certains acteurs économiques vont tenter de se prémunir contre ces atteintes en déposant leur marque dans d’autres classes : lesquelles ?

Il conviendrait de ne pas confondre les produits et services avec les supports de reproduction ou moyens de communication : au début d’internet, l’on s’empressait de viser la classe 38 dans les dépôts (télécommunication et services de transmission de fichier par le numérique) alors que les entreprises titulaires, sans avoir pour activité des services de télécommunication, n’utilisaient ces services qu’à titre de support ou de moyens de communication.
En revanche, il sera potentiellement opportun de viser dans les demandes d’enregistrement de certaines marques les services de « divertissement » ou les « NFT ».

Tout dépend des usages qui vont se déployer sur le métavers.

Avocat spécialisé en droit de propriété intellectuelle et NTIC à Aix-en-Provence

Contact

Emilie Collomp